acciner les familles atteintes par la fièvre de l’or
Dans la région de Siguiri, en Guinée, des centaines de familles creusent la terre ocre à la recherche de pépites.
Sur la route de Siguiri, une file de voitures roule au pas sous le cagnard de l’après-midi. Les fronts dégouttent et la fatigue tire à l’excès. Les chauffeurs guinéens, qui ont d’habitude le klaxon facile, ne bronchent pas quand le bouchon s’allonge. Ils savent que dans cette zone minière au nord du pays, il faut s’accommoder du balai régulier des tombereaux. Cinq monstres mécaniques de 250 tonnes pour six mètres de haut avancent à 15 km/h en convoi spécial. Rien ne sert de s’énerver. Ici, les entreprises minières ont la priorité, sur la route comme sur les gens.
Car à Siguiri, l’or fait la loi. De toutes les provinces de Guinée et même du Mali voisin, des familles entières se ruent pour creuser la terre avec l’espoir d’en sortir une pépite luisante, promesse de meilleurs lendemains. Mais quand la population joue des coudes pour une place au soleil, les grandes sociétés minières leur font de l’ombre.
En novembre 2015, à Kintinian, 36 km de Siguiri, le gouvernement, aidé de l’armée, a chassé la population d’un village séculaire situé sur une zone aurifère dont la concession avait été délivrée à la société sud-africaine Anglogold Ashanti. La présidence guinéenne a justifié l’intervention en accusant les habitants d’« exploitation illégale de grande envergure » et de causer « la dégradation de l’environnement et la dilapidation des ressources minières du pays ». Le communiqué se terminait par la nécessité de « respecter les engagements de l’Etat vis-à-vis des investisseurs étrangers ».
Notre 4×4 s’arrête aux abords de l’une de ces mines de Kintinian, publiques et illégales. Nous sommes en avril et l’Unicef a lancé une campagne de vaccination contre la poliomyélite. « En 2016, six cas ont été détectés à Siguiri et un à Kintinian », dénombre Konate Alama, médecin chef du centre de santé local qui coordonne les équipes. La Guinée est l’un des derniers pays avec le Nigeria, le Pakistan et l’Afghanistan où subsistent des souches virales. C’est le quatrième et dernier jour de la campagne, qui se déroule surtout dans les carrières. « C’est là que l’on trouve les familles la journée, explique Konate. A Kintinian, tout le monde travaille à la mine ».
La cloche retentit, il est 15h, la journée est terminée. Les élèves en uniformes beiges sortent. Komi et Diakaria observent, impressionnés, les mineurs aux muscles saillants, la pioche ou la pelle sur l’épaule. L’école, ils ont hâte d’y mettre un terme. Les deux garçons rêvent de faire comme les adultes : trouver de l’or. Leurs yeux brillent comme des pépites. Certitude d’acier, mais rire enfantin. A quelques mètres, un groupe de lycéennes pouffe et se chamaillent. Missiriba, sourire charmeur, a dépassé l’illusion. La mine ne la fait pas fantasmer. Elle veut étudier à l’université. « De toute façon l’or s’épuise ici, alors que le savoir dure toute la vie. »
Source : lemonde.fr